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CONTES & LÉGENDES

Compte et légende
Paysage enneiger

 

Au cœur de la Margeride

Sur la draille

Au col des trois sœurs

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Le Col des Trois Sœurs

         Justine,

         Elisa,

         Aurélie

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  Elles étaient trois sœurs, natives de la paroisse de la Panouse, en Margeride. Et toutes trois engagées comme servante dans les “baraques” du pays.

         Justine à la baraque des Bouviers.Elisa à la baraque de Boislong.

         Aurélie à celle de la Motte.

Activant le feu, cuisant la pain, lavant le dallage de la grande cuisine, aidant à la souillarde et sonnant la cloche par les nuits de tourmente, le travail remplissait amplement leurs journées.
 

  Pourtant, tout en lavant, récurant, sonnant, elles rêvaient un peu. Et leur rêve, c’était de devenir la “patronne” ; celle qui donne les ordres et distribue les tâches; celle qui réprimande pour un verre cassé, un chaudron mal torché; la “patronne”, la femme du patron; la”baraquièro” avec son “baraquio”.
 

  Et chacune des sœurs rêvaient du patron qui l’épouserait pour en faire la maîtresse de la baraque, celle qui commande.

  Colporteurs sous leur caisse, chemineaux, gendarmes à cheval, jeunesse en goguette, paysans allant à la foire, pour un canon de vin, une botte de paille dans la grange, ils étaient nombreux, les hommes faisant étape à l’auberge du bord du chemin.

  Mais aucun ne semblait apercevoir celle qui, penchée sur les dalles de pierre de la cuisine, nettoyait le parquet avec une ardeur remplie de colère.

  D’une saison à l’autre, passaient les jours dans les “baraques”.

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                                                                            ***

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  Dans le printemps de chaque année, tout à coup:

         Los abeilhos! los abeilhos!

         Les transhumants! Les transhumants!

 

  Dans le lointain, en effet, une musique qui s’approche; celle que font les mille cloches et clochettes d’un troupeau lorsqu’il avance sur la draille.

  Les baraques étaient proches de la draille; celle qui nous vient des plaines du Languedoc et qui par l’Aigoual, Florac, le Mont Lozère, le Plateau du Roi, nous arrive; conduisant les fleuves de laine, de vie, de sonnailles, jusque chez nous : la Margeride.

  Et que pour cette raison, nous appelons la draille de la Margeride.

 Aux premières rumeurs sur la draille, les baraques se vidaient

Qu’il serait doux de suivre la draille en sa compagnie, de marcher à ses coté sous le grand parapluie de toile bleue, d’aller ensemble vers des pays inconnus, de coucher dans les “baraques” chaque soir renouvelées.

Et les trois soeurs, servantes de “baraques” dans la margeride où les hivers sont si longs, rêvaient à une destinée cheminante avec l’homme de leur rêve.

  A l’automne, quand les troupeaux reviennent de l’estive, les trois soeurs se retrouvaient à nouveau au col, dans l’espoir de voir passer Pierret, celui de leur amour silencieux.

                                                         ***

  Cette année-là, à cause du beau temps qui durait, l’estive se prolongeait; et puis, tout d’un coup, les gros nuages noirs, le froid et la neige. Avec le vent du Nord, une véritable tourmente. Dans cette tempête inattendue, avec son troupeau en déroute, Pierret allait passer le col, risquant de perdre la draille que la neige recouvrait déjà.

  Alors les trois soeurs, comme si elles s’étaient mutuellement averties, se mirent à sonner la cloche de leur “baraque”, comme au plein de l’hiver.

  Celle de la Baraque des Bouviers semblait crier :

“- Pierret, mon Pierret! A la baraque, j’ai allumé un grand feu. Il sèchera ton manteau. Viens.”

  Dans le ciel que brassait le vent et où tournoyaient les flocons, celle de la Baraque de Boislong racontait :

“- A la Baraque de Boislong, à la Baraque de Boilong, la soupe de raves, celle qui réchauffe tout le corps t’attend. Je l’ai faite pour toi, Pierret! Viens te réchauffer à ma soupe de raves!”

  La cloche de la Baraque de la Motte appelait elle aussi :

“- A la Baraque de la Motte, les édredons sont de fines plumes. Qu’il est doux de se mettre dessous en regardant par la lucarne la trame blanche que tissent les flocons de neige lorsque le vent les précipite à l’horizontale.”

          Et les cloches de sonner, de sonner.

  Celle de Justine et celle d’Elisa; celle d’Aurélie.

  Leurs appels éperdus emplissaient le brouillard où la Margeride se noyait.

  Se décourageant peu à peu d’appeler en vain, les trois soeurs désobéirent à leur patronne et, sans se vêtir davantage, allèrent vers le col, dans l’espoir d’y retrouver Pierret en péril et de le sauver.

  Dans le froid et le vent glacé, les sabots dans la neige, au col, elles attendirent le troupeau et son berger.

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                                                         ***

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  Le lendemain, les hommes du pays, alertés par la disparition des trois sœurs, les trouvèrent au col, nouées par leurs bras et leurs jambes. Jointes par la mort.

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La légende du col du cheval mort.

 

 

La légende raconte qu'une veille de Noël, il y a bien longtemps, par une de ces belles journées comme décembre en cache quelques-unes dans sa musette, un dénommé Baptistou était allé rendre visite à sa promise à St-Amans.

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Il était parti de Froid Viala tôt le matin, le sourire aux lèvres, enchanté de sa jument, une bonne bête achetée à la foire de Grandrieu le jour de la St-Michel.

Vers les deux heures il se mit à neiger. Gentiment. On parla encore un moment épousailles, on trinqua une dernière fois.

Puis Baptiste sella sa jument et retourna à Froid Viala.

En approchant de la baraque en ruines du cantonnier, au pied du col des pendus, on ne voyait plus de chemin. Là il avait neigé en abondance, une épaisse couche blanche recouvrait tout et la jument hésitait à chaque pas.

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C'est alors que le vent se leva.

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Le blanc fut partout qui noyait tout.

Il gelait à pierre fendre.

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Il fallait s'abriter et attendre. L'abri était précaire, un muret de pierres sèches à demi écroulé. La respiration de la jument se faisait laborieuse. Le froid l'avait saisie. Elle frissonnait.

Un instant il la crut morte, elle montra ses dents jaunes d'une grimace.

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Baptiste étouffait, il luttait pour ne pas s'endormir mais ses membres gourds et sa tête lui pesaient. Ses yeux se fermaient et de vieilles personnes, mortes depuis longtemps et qu'il avait aimées le hélaient dans des sursauts de sommes douloureux.

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Il se souvint de la retraite de Russie. On racontait que des hussards se protégeaient du froid en se glissant dans le ventre des chevaux morts.

Il saigna comme il put la jument moribonde, lui ouvrit péniblement le ventre, la vida de ses entrailles fumantes et s'abrita à l'intérieur de l'animal.

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Le lendemain la tempête s'était calmée et Baptiste rentra à Froid Viala.

La jument fut perdue, lui eut la vie sauve. Il n'épousa pas sa promise, ce n'était plus un bon parti, il n'avait plus de cheval.

Le col des pendus, ainsi nommé depuis qu'un seigneur des lieux y avait fait pendre un braconnier et son chien, en changea de nom, on l'appela le col du cheval mort.

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Le Bouffadou

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Il était une fois en Margeride …

 

Bouffanelle était une sorcière, au temps où, dans les grandes forêts du Gévaudan, il nous en restait quelques-unes.

 

Sorcière, et avec une spécialité : le bâton du diable.

 

Elle avait coupé un jeune bouleau de bois blanc, en avait enlevé l'écorce et l'avait creusé pour en faire un tuyau de bois. Il lui suffisait alors, ams tram gram pic et Pic et colégram, de souffler dans le tube et, à l'autre extrémité, apparaissait un diablotin dans sa culotte rouge ; un petit bonhomme rempli de malices et qui, tant que durait le souffle de la sorcière dans le chalumeau, dansait la danse du diable.

Dans les veillées, dans les fêtes votives, dans les kermesses paroissiales, au dessert des repas de noces, avec son bâton du diable, Bouffanelle faisait un tabac !

 

Tant, que cela suscita la convoitise de beaucoup.

 

Certains allèrent dans la forêt, coupèrent de jeunes bouleaux, en fabriquèrent des sarbacanes dans lesquelles ils soufflèrent de tous leurs poumons.

Avaient-ils oublié la bonne formule ? N'avaient-ils pas l'âme assez sorcière ?

Aucun diable n'apparaissait au bout du tube et les apprentis sorciers en étaient pour leur honte.

 

Cependant, par ce simple bâton creux, la fortune arriva à l’un d’eux : Bouffarel, de la paroisse de Bouffassol.

 

A la veillée, devant le feu de l’âtre, pour la centième fois, Bouffarel soufflait dans son tuyau. Sans résultat !

Minuit approchait.
Le feu s’était éteint peu à peu … et, parmi les cendres, quelques braises timides clignaient de l’œil avant de s’endormir.

Soufflant toujours, Bouffarel approcha, sans le faire exprès, l’extrémité du tube des braises qui subitement, se réveillent.

Le souffle de l’homme, par l’intermédiaire du bâton creux, leur avait rendu la vie. Et, sous les yeux étonnés du faux sorcier, un feu tout neuf se mit à danser dans le foyer.

Bouffarel venait d’inventer l’instrument à rallumer le feu sans se brûler les moustaches.

 

Né de la sorcière Bouffanelle, mis au point par Bouffarel, on l’appela :  le « Bouffadou ».

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Le Col des trois soeurs
Le Col du Cheval mort
Le Bouffadou
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